Une publication dans Nature

Des archéologues découvrent la plus ancienne structure en bois du monde



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a, BLB5 élément structurel (objet 1033). b, BLB3 'coin' (objet 660). c, BLB2 'bâton de fouille' (objet 219) . d, BLB4 bûche coupée. e, BLB4, pièce effilée avec une seule marque de coupe. Barres d'échelle, 10 cm.
 

Une équipe scientifique issue de l’Université de Liverpool, l'Université d'Aberystwyth et l'Université de Liège vient de mettre au jour, sur le site de Kalambo Falls en Zambie, des sections de structures en bois datant d'au moins 476 000 ans et précédant l'évolution de notre propre espèce, l'Homo sapiens.   Les résultats de cette découverte, publiés dans le journal Nature, décrivent la plus ancienne preuve au monde de la fabrication délibérée de rondins pour les assembler.

Il y a un demi-million d'années, soit bien plus tôt qu'on ne le pensait, l'homme construisait déjà des structures en bois. C’est ce que démontre une nouvelle étude menée par une équipe de scientifiques de l'Université de Liverpool, l'Université d'Aberystwyth et de l'Université de Liège. Ces recherches, publiées dans la revue Nature, font état de l'excavation de bois bien conservé sur le site archéologique de Kalambo Falls en Zambie, datant d'au moins 476 000 ans et précédant l'évolution de notre propre espèce, l'Homo sapiens.   

« L'analyse des marques laissées par les outils en pierre sur le bois, ont été pour partie, réalisées par le TracéoLab, explique Veerle Rots, Directrice du TraceoLab, département des Sciences historiques de l'Université de Liège. Ces analyses montrent que ces premiers hommes ont façonné et assemblé deux grands troncs d'arbre pour former une structure, probablement la fondation d'une plate-forme ou d'une partie d'une habitation.» Cette découverte représente la plus ancienne preuve au monde de la fabrication délibérée de rondins pour les assembler. Jusqu'à présent, les preuves de l'utilisation du bois par l'homme se limitaient à son utilisation pour faire du feu, creuser des bâtons et des lances. Il est rare de trouver du bois dans des sites aussi anciens, car avec le temps et l’humidité, il finit par pourrir ou se désagréger complètement. Le site de Kalambo Falls (Zambie) où ont été retrouvés les vestiges, présente un niveau d’eau permanent et élevé sur le site, ce qui a permis la préservation du bois.

BLB3 excavating the organic patch ©LBarham

Cette découverte remet en question l'idée dominante selon laquelle les hommes de l'âge de pierre étaient nomades. A Kalambo Falls, ces hommes disposaient non seulement d'une source d'eau pérenne, mais la forêt qui les entourait leur fournissait suffisamment de nourriture pour leur permettre de se sédentariser et de construire des structures.

Larry Barham, Professeur au département d'archéologie, d'archéologie classique et d'égyptologie de l'Université de Liverpool (UK) qui dirige le projet de recherche "Deep Roots of Humanity", a d’ailleurs déclaré : "Cette découverte a changé ma façon de voir les choses et a changé ma vision de nos premiers ancêtres. Oubliez l'étiquette "âge de pierre", regardez ce que ces gens faisaient : ils fabriquaient quelque chose de nouveau, et de grand, à partir du bois. Ils ont utilisé leur intelligence, leur imagination et leurs compétences pour créer quelque chose qu'ils n'avaient jamais vu auparavant, quelque chose qui n'avait jamais existé auparavant. Ils transformaient leur environnement pour se faciliter la vie, ne serait-ce qu'en fabriquant une plate-forme sur laquelle ils s'asseyaient au bord de la rivière pour accomplir leurs tâches quotidiennes. Ces gens nous ressemblaient plus que nous ne le pensions".

Des recherches expérimentales menées à l'Université de Liverpool et à l'Université de Liège ont permis de reproduire les marques sur le bois lors de l'utilisation d'outils en pierre. Au TraceoLab de l’Université de Liège, les expériences ont porté sur l'utilisation de fendoirs fabriqués à partir de quartzite local. Des hachoirs similaires ont été trouvés sur le site en association directe avec les vestiges en bois. Le professeur Veerle Rots et le Dr Noora Taipale ont comparé les marques reproduites expérimentalement avec celles observées sur les vestiges archéologiques en bois afin de confirmer l'origine des marques de coupe. Le TracéoLab est toujours occupé à analyser les outils en pierre.

TRACEOLAB oldest wooden structure

La datation des découvertes a été effectuée par des experts de l'Université d'Aberystwyth (Pays de Galles, UK). Pour ce faire, ils ont eu recours à de nouvelles techniques de datation par luminescence, qui révèlent la dernière fois que les minéraux présents dans le sable entourant les objets ont été exposés à la lumière du soleil, afin de déterminer leur âge. "À cette époque, il est très difficile de dater les découvertes, et nous avons utilisé la datation par luminescence pour y parvenir, explique le Pr  Geoff Duller de l'Université d'Aberystwyth. Ces nouvelles méthodes de datation ont des implications considérables, elles nous permettent de remonter beaucoup plus loin dans le temps et de reconstituer des sites qui nous donnent un aperçu de l'évolution humaine. Le site des chutes de Kalambo avait déjà fait l'objet de fouilles dans les années 1960, au cours desquelles des morceaux de bois similaires avaient été retrouvés, mais il n'avait pas été possible de les dater, de sorte que l'importance réelle du site n'était pas claire jusqu'à présent".

Le site Kalambo Falls sur la rivière Kalambo se trouve au-dessus d'une chute d'eau de 235 mètres à la frontière entre la Zambie et la région de Rukwa en Tanzanie, au bord du lac Tanganyika. La région figure sur une liste "indicative" de l'UNESCO pour devenir un site du patrimoine mondial en raison de son importance archéologique. « Nos recherches prouvent que ce site est beaucoup plus ancien qu'on ne le pensait, et son importance archéologique est donc encore plus grande, reprend le Pr Duller. Cela donne encore plus de poids à l'argument selon lequel ce site devrait être inscrit au patrimoine mondial des Nations unies. »

Ces recherches s'inscrivent dans le cadre du projet pionnier "Deep Roots of Humanity" (racines profondes de l'humanité), qui vise à déterminer comment la technologie humaine s'est développée à l'âge de pierre. Le projet est financé par le Conseil de recherche en arts et sciences humaines du Royaume-Uni et implique des équipes de la Commission nationale de conservation du patrimoine de Zambie, du musée Livingstone, du musée Moto et du musée national de Lusaka.

Et le Pr Barham de conclure : « Les chutes de Kalambo sont un site extraordinaire et un atout patrimonial majeur pour la Zambie. L'équipe de Deep Roots est impatiente de voir d'autres découvertes passionnantes émerger de ses sables gorgés d'eau. »

Référence scientifique

L. Barham, G. A. T. Duller, I. Candy, C. Scott, C. R. Cartwright, J. R. Peterson, C. Kabukcu, M. S. Chapot, F. Melia, V. Rots, N. George, N. Taipale, P. Gethin & P. Nkombwe, Evidence for the earliest structural use of wood at least 476,000 years ago,  Nature, 20 september 2023

Vos contacts à l'ULiège

Veerle ROTS

Noora Taipale 

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