Une publication dans PLoS One

Une industrie passée inaperçue : quand Néanderthal transforme l’os en outil



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Vues microtomographiques des endommagements internes de l’outil multiple. Crédits: CNRS/TraceoLab/Université de Liège

Homo sapiens est-il le seul à savoir transformer l’os en outils ? Une équipe internationale, dirigée par des chercheurs du TraceoLab de l’Université de Liège, a découvert une authentique industrie en os sur le gisement néanderthalien de Chez-Pinaud à Jonzac (France), qui permet de trancher la question. Les résultats de cette étude, publiés dans la revue PLOS One, apportent un éclairage sur un aspect méconnu de la technologie Néanderthalienne.

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 partir de 45 000 ans, Homo sapiens est présent en Europe occidentale, tandis que les derniers Néanderthaliens disparaissent. Des changements importants s’opèrent alors dans les cultures matérielles. Homo sapiens apporte avec lui une grande diversité d'objets en matières osseuses, parmi lesquels des armes de chasse, des parures ou des figurines entièrement façonnées. L’absence de tels objets chez Néanderthal a conduit à considérer que ce dernier ne produisait pas d'industrie osseuse, ceci pouvant relever d’une différence cognitive entre les deux lignées. Néanderthal, ne sachant pas transformer cette matière première, se serait contenté de ramasser des éclats d’os parmi les restes de boucherie et de les utiliser comme percuteurs pour la taille du silex.

Les fouilles du gisement néanderthalien de Chez-Pinaud à Jonzac (Charente-Maritime), menées par une équipe internationale depuis 2019, permettent de reconsidérer cet apriori. « Les études en cours font apparaître un nombre d’outils en os aussi important que celui des outils en silex, explique Malvina Baumann, post-doctorante MSCA au TraceoLab de l’ULiège et première auteur de l’article scientifique. Leur diversité révèle la production d’une authentique industrie composée non seulement de percuteurs mais également de couteaux, de racloirs, de ciseaux et des lissoirs, utilisés pour des activités et sur des matières d’œuvre variées. Ces outils sont identifiés à partir des traces de fabrication et d’utilisation présentes en surface, mais aussi à l’intérieur de la matière grâce à un examen par microtomographie à rayon X. Ils ont été fabriqués essentiellement par fracturation, à la différence de ceux d’Homo sapiens, mis en forme principalement par raclage et abrasion. »

Baumann et al 2023 Fig1 (c)ULiège

Outil en os à fonction multiple retouché sur un de ses bords, utilisé comme retouchoir et comme ciseau. Crédits: CNRS/TraceoLab/Université de Liège


La découverte de ces outils en os sur le site de Chez-Pinaud à Jonzac (Charente-Maritime) renforce celle faite quelques années plus tôt par la même équipe sur le gisement néandertalien de Chagyrskaya, dans l’Altaï sibérien. « Ces deux gisements, situés de part et d’autre de l’aire d’expansion de Néanderthal, attestent que, tout comme Homo sapiens, Néanderthal fabriquait et utilisait des outils en os pour ses besoins quotidiens. Il a su transformer l’os selon des standards qui lui étaient propres, conclu la chercheuse.»

L’industrie osseuse constitue une nouvelle voie pour explorer et comprendre la technologie néanderthalienne qui n’a, semble-t-il, par encore livré tous ses secrets.

Référence scientifique

Malvina Baumann, Hugues Plisson , Serge Maury , Sylvain Renou , Hélène Coqueugniot , Nicolas Vanderesse , Ksenyia Kolobova , Svetlana Shnaider , Veerle Rots , Guillaume Guérin , William Rendu, On the Quina side: A Neanderthal bone industry at Chez-Pinaud site,  France, PLOS ONE, June 14, 2023

En savoir + sur les recherches de Malvina Baumann

Partenaires

  • TraceoLab, Université de Liège, Liège, Belgique
  • PACEA UMR 5199, CNRS, Université de Bordeaux, Pessac, France
  • Les Eyzies-de-Tayac-Sireuil, France
  • Hadès, Agence Atlantique, Bordeaux, France,
  • Ecole Pratique des Hautes Etudes - Université PSL, Paris, France
  • Département paléolithique, Institut d'archéologie et d'ethnographie, branche sibérienne de l'Académie des sciences de Russie, Novossibirsk, Fédération de Russie
  • ZooSCAN, Laboratoire international de recherche 2013, CNRS, Novossibirsk, Fédération de Russie
  • Ge'osciences Rennes UMR 6118, CNRS, Université de Rennes, Rennes, France

Vos contacts à l'ULiège

Malvina Baumann

Veerle Rots

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